Définir l’urgence ophtalmologique
L'urgence et son vocabulaire
J.-L. BOURGES
L'urgence nécessite une action rapide. Son vocabulaire est donc précis et discriminant. Les différents acteurs de la chaîne de l'urgence doivent se comprendre sans équivoque en un minimum de temps. Le vocabulaire que nous employons doit permettre tout cela. Il faut donc utiliser une terminologie commune adaptée. L'usage a consacré de nombreux termes courants. Au cours de la rédaction de cet ouvrage, il est apparu que l'emploi de certains d'entre eux générait une imprécision, était impropre ou trop limité. Afin de remédier à cela, nous avons donc choisi le vocabulaire qui nous paraît le plus approprié. Nous proposons ici une définition de chacun des expressions et/ou termes retenus.
Le terme d'urgence est global, imprécis et ambigu. Il peut désigner des concepts très différents en fonction du propos ou du point de vue considéré. Par exemple, il désigne indifféremment une affection dont la prise en charge doit se faire sans délai, une demande de soin en urgence, une prise en charge rapide ou une structure spécifique d'accueil et de soins non programmés. Bien sÛr, les définitions varient selon les perspectives de la personne qui émet la définition (voir chapitre 1.2).
Il s'agit d'une affection dont la prise en charge optimale n'est pas compatible avec un délai normal de programmation. À défaut d'une prise en charge anticipée plutôt que programmée normalement, le pronostic de l'affection est impacté négativement pour le patient. En ophtalmologie, quatre pronostics sont à considérer : le pronostic général ou vital, le pronostic visuel, le pronostic de confort et le pronostic esthétique. Une affection de nature à altérer l'un de ces pronostics, quand elle n'est pas prise en charge dans un délai plus court que celui d'une programmation courante, a été désignée dans cet ouvrage par l'expression « item d'urgence ». Bien sÛr, l'appréciation du degré d'urgence de l'item d'urgence varie selon le point de vue des personnes qui le définissent (voir chapitre 1.2).
Les Britanniques, par exemple, définissent une situation oculaire urgente comme toute situation d'apparition récente, qui est alarmante et qui est perçue par le patient, l'accompagnant ou le professionnel de santé qui adresse aux urgences comme présentant une menace imminente pour la vision ou la santé en général [1].
La demande de soins apparaît impérieuse du point de vue subjectif du demandeur. Le demandeur est le patient, un tiers médical ou non médical. On comprend donc qu'une telle demande ne suffit pas en soi à qualifier l'urgence d'une prise en charge. En effet, la motivation du demandeur n'est pas nécessairement le souci de préserver un pronostic. La qualification d'une urgence ophtalmologique de type item d'urgence nécessite donc une compétence objective dans le domaine, généralement professionnelle et spécialisée en ophtalmologie. À l'inverse, un professionnel qui s'exprime sur le sujet engage sa responsabilité (voir chapitre 3.1). Dans cet ouvrage, cette notion est qualifiée de « demande de soins non programmés » (DSNP). Nous évoquerons souvent des DSNP liées à la vision, à l'œil et/ou ses annexes comme des DSNP d'ophtalmologie (DSNPO).
Il est courant de qualifier d'urgence ophtalmologique ce qui correspond en fait à une consultation non programmée d'ophtalmologie, à un avis ponctuel spécialisé classique ou télé-distant. Il s'agit alors d'un(e) « consultation/acte/avis non programmé(e) ». Les types de consultations sont détaillés dans le chapitre 4.1 . Dans une structure de soins, cet(te) consultation/acte/avis non programmé(e) fait l'objet d'un accueil et se traduit donc par un « passage » du patient et la réalisation d'un « acte » de soin (consultation, acte technique, chirurgie, etc.). Les consultations/actes/avis non programmés(e)s effectué(e)s au moment de la prise en charge initiale non programmée par l'accueillant sont ensuite suivi(e)s d'une prise en charge plus structurée. Le patient est orienté pour la suite selon les modalités adaptées à son item d'urgence. Cela correspond à la prise en charge d'aval.
« Les urgences ophtalmologiques » est une expression du langage courant qui évoque une structure de soins prenant en charge les DSNPO. Elle propose des consultations, des actes, des avis non programmés. Elle prend en charge les items de réelle urgence qui sont de sa compétence. Elle oriente les autres items. La structure qui prend en charge les DSNPO est désignée par les tutelles sous l'expression « structure d'urgence » (SU) ophtalmologique. Pour ne pas confondre cette expression avec les items d'urgence, cet ouvrage reprend cette expression du vocable officiel.
Selon les termes de l'article L. 6311-2 du Code de la santé publique, le secours d'urgence est une mission qui consiste notamment « à assurer le transport des patients [en détresse] pris en charge dans le plus proche des établissements offrant des moyens disponibles adaptés à leur état, sous réserve du respect du libre choix » [2]. Il s'agit d'une notion de soin dynamique et mobile du soin d'urgence. Le soin est apporté là où le patient se trouve. Typiquement, il peut s'agir d'un lavage oculaire après projection toxique, d'un parage de plaie, d'une éviction de corps étranger de surface cornéenne par exemple.
Les demandes de soins non programmés sont prises en charge en heures ouvrables par le réseau de soins libéral et public. Les items d'urgence ophtalmologique en font partie. La permanence des soins ambulatoires (PDSA) prend le relais hors ces plages horaires. Elle est assurée par les médecins libéraux volontaires, ainsi que par les médecins exerçant dans les associations de permanence des soins ou au sein du service public. Elle peut également être exercée par tout autre médecin ayant conservé une pratique clinique. Elle regroupe les moyens structurés, adaptés et médicalement régulés aux demandes de soins non programmés survenant tous les jours de 20 heures à 8 heures, les dimanches et jours fériés de 8 heures à 20 heures, et lors des déficits habituels de l'offre de soins existante (par exemple, les longs week-ends).
La permanence des soins des établissements de santé (PDSES) permet quant à elle l'accueil et la prise en charge de nouveaux patients dans une structure de soins d'un établissement de santé, en réseau de médecine d'urgence ou à leur aval. Ces structures sont les structures d'accueil et de prise en charge d'urgence (SU). Cependant, la permanence des soins n'est pas la continuité des soins. La continuité des soins consiste à assurer une pérennité des soins aux personnes déjà prises en charge dans une structure, en dehors des heures ouvrables. Typiquement, c'est par exemple l'organisation des roulements de personnels et de leur travail auprès des patients hospitalisés, les week-ends et jours fériés dans les établissements de soins.
La symptomatologie d'urgence (voir chapitre 4.2) correspond à l'ensemble des signes fonctionnels aigus du patient. Elle se distingue d'éventuels signes fonctionnels chroniques. En ophtalmologie, ils s'appliquent généralement au globe oculaire, à l'orbite, aux paupières, aux voies lacrymales. Les symptômes oculaires qui motivent une demande de soin non programmé peuvent se classer en quatre catégories aspécifiques : les altérations visuelles, les dysesthésies, les modifications morphologiques et les symptômes locorégionaux/généraux (encadré 1-1-1).
Encadré 1-1-1
Anomalie visuelle permanente/transitoire
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Myodésopsie
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Phosphene
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Métamorphopsie
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Baisse d'acuité visuelle
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Voile visuel/scotome
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Altération du champ visuel
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Altération des contrastes
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Dyschromatopsie
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Photopsie
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Éméralopie
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Diplopie
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Hallucination
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Photophobie
Dysesthésie
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Gêne de surface oculaire
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Sensation de corps étranger
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Hypersensibilité
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Douleur oculaire/orbitaire/palpébrale
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Prurit
Modification morphologique
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Rougeur
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Leucocorie
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Anomalie pupillaire
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Ptosis
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Tuméfaction (paupière, orbite, voies lacrymales, globe)
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Déviation oculaire
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Ptosis
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Blépharospasme
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Sécrétions
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Larmoiement
Symptômes locorégionaux ou généraux
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Céphalées
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Nausées, vomissement, sueurs, lipothymies
Trois grands groupes de signes fonctionnels spécifiques dominent la symptomatologie d'urgence ophtalmologique : les altérations visuelles, la rougeur oculaire et la douleur. À leurs côtés, une multitude d'autres symptômes coexistent, dont nous avons conservé la nomenclature usuelle généralement utilisée. En marge de la symptomatologie ophtalmologique, il peut coexister une symptomatologie systémique, avec un lien direct. La pathologie générale peut être causale ou inversement être la conséquence (exemple : une cardiopathie emboligène avec trouble du rythme causant une thrombose vasculaire rétinienne ou, a contrario, les signes neurovégétatifs au cours d'une hypertonie oculaire intense).
L'usage courant individualise actuellement la baisse d'acuité visuelle (BAV) comme grand symptôme d'urgence. Cependant, l'acuité visuelle n'est pas la vision. Par ailleurs, le terme de « trouble » visuel est ambigu. Il peut évoquer un flou visuel comme une altération visuelle. Nous avons donc choisi dans cet ouvrage d'évoquer plutôt des « anomalies visuelles transitoires » et des « anomalies visuelles permanentes ». Ce vocabulaire étend la symptomatologie visuelle à tous les problèmes de la vision. Il n'est pas restreint seulement à l'acuité visuelle.
L'expression « rougeur oculaire » que nous utilisons renvoie aux signes physiques que sont les hémorragies, les hyperhémies conjonctivales, les inflammations épisclérales, sclérales ou intraoculaires.
La gêne oculaire n'est pas une douleur. Elle correspond souvent à une « sensation de corps étranger » (SCE), habituellement décrite comme du sable dans l'œil, ou à une « hypersensibilité oculaire » qui revoie à un inconfort de la surface oculaire. La « douleur » oculaire peut se traduire par une sensation aiguë de tension, de brÛlure, de piqÛre, de battement.
[1] Smith R, Tromans C. Commissioning better eye care:urgent eye care.The Royal College of Ophthalmologists/College of Optometrists;2013.En ligne :
https://www.rcophth.ac.uk/wp-content/uploads/2014/12/urgent-eye-care-template-25-11-13-2013-_PROF_264.pdf.
[2] Code de la santé publique. Sixième partie, livre III, titre Ier, chapitre Ier : aide médicale urgente. Article L. 6311‑2 (21 juillet 2009).
Qui définit l’urgence ?
B. COCHENER-LAMARD
La notion d'urgence ne trouve pas de définition médicale ou administrative, bien que des tentatives aient été rapportées dès le V e siècle av. J.-C. avec Hippocrate. Il enseignait dans ses écrits qu'« il faut profiter de l'occasion de porter secours avant qu'elle n'échappe et on sauvera ainsi le malade pour avoir su en profiter ». La définition suivante pourrait être utilisée de façon consensuelle : « perception de toute situation empirant rapidement, ou susceptible de le faire, sans intervention médicale ou même avec ».
En vérité, ce concept est très hétérogène selon le flux des patients, la nature des problèmes, les plateaux techniques disponibles et le champ de compétences des équipes d'accueil. Il varie aussi sensiblement selon celui qui le définit (fig. 1-2-1) : le patient, le médecin, le personnel non médical de triage ou le législateur. La particularité de l'ophtalmologie est de ne comporter qu'exceptionnellement des situations de menace vitale. Mais en revanche elle porte sur une fonction ressentie comme précieuse et un organe que seul l'ophtalmologiste maîtrise. La crise démographique que connaît la profession a conduit à modifier considérablement le comportement des patients angoissés de ne pouvoir accéder aux soins visuels et celui des spécialistes de la filière visuelle. Ces derniers se trouvent submergés de demandes et inquiets de la perte de chance pour leurs patients (fig. 1-2-2).
Cette situation d'alerte impose que soit considérée comme « urgente » la filiarisation de l'urgence en ophtalmologie pour une meilleure gestion des flux et une optimisation du parcours patient. Atteindre cet objectif suppose que soit distinguée « l'urgence vraie » (item d'urgence) de « l'urgence ressentie » (demande de soins non programmés) et que soit dessiné un programme d'éducation du corps médical mais aussi de la population générale.
Il importe de créer une véritable filière surspécialisée d’urgence ophtalmologique vers laquelle doivent s’orienter les patients à bon escient, et que les ophtalmologistes doivent gérer en temps réel. Le chemin à parcourir pour atteindre cet idéal sera long mais nécessaire,car il est impératif de parvenir à contrôler le débordement actuel auquel se heurtent bon nombre de cabinets et d’hôpitaux.Ils ne parviennent plus à réguler leurs consultations face à une population qui use de tous les stratagèmes pour accéder à la prise en charge oculaire. Si nos tutelles sont à cette heure focalisées sur la nécessité de réduire le délai d’attente en ophtalmologie, il est important de les sensibiliser à la hiérarchisation des demandes de la population générale en leur démontrant que le soin à prodiguer dépasse de loin la prescription d’une paire de lunettes et qu’une aide publique doit être concrètement apportée.
Ce sous-chapitre, en réfléchissant à la définition de l'urgence selon celui qui l'évoque, nous conduira à mieux comprendre la dimension « médico-psycho-sociale » du terme et la problématique actuelle que représente l'urgence en ophtalmologie (tableau 1-2-1). Nous espérons qu'il servira de soutien pour les services et centres d'ophtalmologie à la mise en place d'un cadre de prise en charge fondé sur une sélection et une orientation adaptées des patients.
Définition privilégiée | Demande face à l'urgence | Corollaire | |
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Patient | Recours accessible sans délai à un avis auprès d'un professionnel de santé compétant dans le domaine ophtalmologique qui inquiète/qui motive la demande |
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Médecin | Nécessité d'identifier et de prendre en charge de manière adaptée une affection oculaire dont le défaut de soin rapide serait préjudiciable au patient |
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Personnel non médical de triage | État oculaire devant être identifié comme nécessitant un avis immédiat ou un recours sans délai à un professionnel de santé pour être évalué |
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Législateur | Demande de soins ophtalmologiques ne pouvant être satisfaite autrement que par l'organisation de la permanence des soins en ophtalmologie |
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* Chaque définition engendre une demande spécifique et un corollaire organisationnel adapté.
Le patient est aujourd'hui un acteur influant de sa propre santé. Il paraît pertinent de réfléchir aux raisons qui peuvent amener un patient à choisir les urgences pour analyser sa propre définition de l'urgence. Bien sÛr, le fonctionnement 24 heures/24 d'une structure de soins avec la garantie d'y trouver des professionnels de santé et un plateau d'explorations avancées sécurisent les patients. Il est également probable, surtout dans le domaine de l'ophtalmologie, que la notion de disponibilité n'est pas l'unique motif. D'autres arguments s'ajoutent, tels que la non-disponibilité du médecin traitant ou de l'ophtalmologiste habituel, la convenance personnelle (situation à proximité de l'hôpital, horaires compatibles avec son activité), le besoin de demande de papier administratif dans le cadre d'un accident de travail et, plus rarement, l'avantage de la dispense d'avance de frais à l'hôpital. En revanche exceptionnellement, le patient se dirigera vers les urgences pour un second avis. Bien entendu, cette approche dépend beaucoup de l'ancienneté de la plainte et de son intensité. L'analyse de ces arguments met en évidence qu'un certain nombre de scénarios ne relèvent pas de la définition de l'urgence médicale (item d'urgence) et invite à dessiner une stratégie permettant de mieux filtrer les demandes. À noter que la littérature [1–4] rapporte un taux de 30 à 78 % de consultations aux urgences injustifiées. Les pathologies graves, potentiellement handicapantes ou cécitantes, représentent quand même environ 24 % [5, 6] justifiant la présence effective de l'ophtalmologiste. De plus, ce sont précisément celles-là même dont la sévérité est sous-estimée par le patient (fig. 1-2-3) [7, 8].
Dans sa thèse de médecine, réalisée à Poitiers en 2013, portant sur l’évaluation de la population des urgences arrivant au centre hospitalier universitaire poitevin, Chaudet [9] a identifié cinq causes de motifs de consultation. Ses résultats corroborent ceux issus de l’enquête conduite par Henriot [6] à Besançon en 2015 qui s’était focalisé uniquement sur les urgences ophtalmologiques(à partir d’une série de 1977 patients). Ces étiologies regroupent 75 % des demandes avec la répartition suivante : 17 % traumatologie[1, 10], 15 % ophtalmologie (avec une dominance masculine liée aux accidents oculaires), suivies par dermatologie, rhumatologie et ORL. Il faut également y distinguer l’heure de la consultation qui au-delà de minuit est représentée à 25 % par l’urgence ORL et à 20 % par celle de l’ophtalmologie. Le délai de consultation est également intéressant à considérer avec 50 % seulement des patients, toutes causes d’urgence confondues, qui ont vu s’installer leur symptomatologie à moins de 24 heures,25 % au-delà de 3 jours et 17 % à plus de 1 semaine avec, chez ces derniers, 56 % d’entre eux qui avaient fait appel à leur médecin traitant. La prise d’une automédication avec ou sans conseil du pharmacien, avec notamment recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens voire corticoïdes (sans connaître en général la date de l’ouverture du flacon de collyre), est de 25 % si la plainte existe depuis une demi-journée, 50 % si elle existe depuis une journée et 70 % si elle existe depuis 1 semaine et plus [11,12]. Au total, 20 % des patients venant aux urgences au-delà de 1 semaine n’ont ni consulté, ni tenté d’automédication [6, 9].Ce pourcentage concerne tout particulièrement l’ophtalmologiequi du fait de sa spécificité pressentie par la population générale contourne de manière significative la sollicitation du médecin généraliste [13].
D'un point de vue médical, la définition de l'urgence tient compte de la nécessité de prendre en charge une affection plus précocement mais aussi, à l'inverse, d'exclure les demandes de soins non programmés. Il ne faut pas engorger inutilement la filière de soins d'urgence. L'activité des urgences connaît une croissance constante dans tous les pays du monde selon le rapport 2011 de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS) du ministère de la Santé, avec une augmentation de 126,5 % toutes spécialités confondues. Cela conduit fréquemment à un débordement des capacités d'accueil, dont « l'engorgement » conduit à un allongement délétère des délais de prise en charge.
Sur le plan pratique, bon nombre d’établissements ont créé sur leur serveur informatique une voie spécifique pour l’urgence dédiée à l’information patient et aux coordonnées de contact pour faciliter l’accès des patients. C’est en particulier à partir de 2003 dans le contexte de la canicule qu’a été conduite une action des pouvoirs publics avec la structuration de la permanence des soins ou PDS (circulaire DMOS/01 no 587-2003) qui visait à préciser les conditions de participation des médecins libéraux.
L'arrêté du 12 décembre 2003 a modifié le Code de déontologie médicale pour réaffirmer « le devoir du médecin de participer à la PDS ». Plus récemment, en 2012, le ministre de la Santé rappelait que « traiter la question de l'engorgement des urgences, c'est d'abord agir en amont de l'hôpital, en commençant par réformer en profondeur l'organisation des soins de recours ». Cet objectif implique que le médecin généraliste soit incité et investi dans la prise en charge initiale de première ligne et d'orientation, par l'introduction d'une majoration d'actes spécifiques à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) (voir chapitre 3.2 ). L'urgence ophtalmologique ne peut aisément s'adapter à cette organisation en raison de la spécificité de la discipline à laquelle n'est pas toujours initié le médecin généraliste et qu'il ne peut acquérir par le biais d'un diplôme interuniversitaire. Comme le patient, le médecin peut être éduqué à la hiérarchisation des symptômes et des urgences (fig. 1-2-4 et 1-2-5 de l'annexe 1-2-1). En revanche, il ne peut être capable d'un diagnostic de précision en l'absence d'interactivité directe avec le patient et de lampe à fente. C'est pourquoi, pour créer la filière courte, on peut envisager de détourner directement le flux des urgences ophtalmologiques vers l'ophtalmologie, avec un acteur médical qui est l'ophtalmologiste. Ajoutons que la classification clinique des malades des urgences (CCMU) et la classification infirmière des malades aux urgences (CIMU) ne peuvent être appliquées en urgence oculaire qui n'implique pas une réactivité absolue et immédiate, comme pour un arrêt cardiocirculatoire [14, 15]. La classification de triage doit être adaptée (voir chapitre 2.5.3 ). L'obstacle majeur actuel rencontré est la saturation des cabinets d'ophtalmologie vers lesquels peuvent s'orienter directement les patients sans être référés.
Les cabinets, pour beaucoup, ne prévoient plus de créneaux dédiés à l’urgence, amenant directement à l’hôpital la population globale non triée. Il devient donc de la responsabilité médicale des cabinets libéraux d’organiser l’activité quotidienne de prise en charge des soins non programmés, par exemple en aménageant une plage horaire quotidienne permettant une graduation des degrés de sévérité. À l’échelle des structures hospitalières, il faut distinguer l’organisation en astreintes, après présence physique de journée et avec sollicitation sur appel en dehors des heures ouvrables de celle de garde qui assure la présence médicale sur 24 heures. Cette dernière option est exceptionnelle en matière de service d’urgence ophtalmologique (voir chapitres 1.2 et 1.4).
La diffusion de l’information auprès de la population doit porter sur l’organisation de la permanence du soin. Elle devrait également veiller à faire connaître des recommandations élémentaires sur les précautions à adopter en cas de situation traumatique avant l’heure de la prise en charge : les notions de secourisme ophtalmologique en quelque sorte (voir chapitre 7). Tous devraient par exemple savoir qu’en cas de plaie, il est important de pas instiller de produit médicamenteux ou cicatrisant et de ne pas appuyer sur son oeil pour en essuyer larmes et sécrétions mais appliquer juste un pansement sur l’oeil endommagé et se rendre aux urgences sans tarder. La notion de rinçage immédiat en cas de brûlure chimique est, quant à elle, de mieux en mieux connue. Il faudrait également que soit connue la possibilité, en cas de non mise à disposition d’eau stérile ou de produit de lavage oculaire, de laver l’oeil sous l’eau du robinet afin d’éliminer au plus vite le maximum de produit pour en minimiser le temps d’exposition toxique.FLOAT NOT FOUND FLOAT NOT FOUND
Triptyque d’orientation pour le médecin
DMLA : dégénérescence liée à l'âge. (Source : M. Gobert et B. Cochener, CHU de Brest.)
DDR : décollement de rétine ; DMLA : dégénérescence liée à l'âge ; HTA : hypertension artérielle ; OACR : occlusion de l'artère centrale de la rétine ; OVCR : occlusion de la veine centrale de la rétine. (Source : M. Gobert et B. Cochener, CHU de Brest.)
Le rôle de l'ophtalmologiste repose également sur la réalisation des actes complémentaires qui sont pratiqués dans plus de 50 % des cas le jour même. Ils s'étendent du fond d'œil, à l'angiographie, à la tomographie par cohérence optique ( optical cohérence tomography [OCT]) et à la réalisation d'un retrait de corps étranger ou d'un traitement laser (par exemple sur déchirure ou glaucome à angle fermé). Le médecin décidera du parcours de soins à suivre, désigné sous le terme de « l'aval ». La littérature rapporte la proposition d'un contrôle post-urgence dans 34 % des cas [1–3, 16].
Il faut reconnaître au personnel d'accueil du cabinet, ou plus encore de l'hôpital, un rôle majeur dans la définition de l'urgence ophtalmologique. C'est lui, secrétaire et/ou infirmier(ière) [2, 17-19], qui enregistre la plainte du patient et décide de sa priorisation dans la prise en charge. Il s'agit d'une forme de responsabilité qui les place d'ailleurs régulièrement en difficulté, d'autant que les patients adoptent parfois un discours agressif ou appuient leur demande de symptômes erronés. C'est pourquoi bon nombre de services d'ophtalmologie ont éduqué leurs secrétaires et personnels paramédicaux sur les symptômes d'alerte et le discours à tenir. Nous proposons, pour exemple en annexe 1-2-2 , le questionnaire élaboré dans notre service de Brest et qui depuis 2014 sert de guide à l'interrogatoire des patients à leur arrivée ou lors de leur appel téléphonique. Le Syndicat national des ophtalmologistes français (SNOF) a initié une formation spécifique des secrétaires à l'urgence et à ses définitions, et un partenaire de l'industrie offre un support pédagogique quant à l'identification des signes d'alerte et du discours.
À l’unanimité, les secrétaires apprécient qu’un cadre leur soit donné et qu’ils(elles) soient reconnu(e)s dans leur rôle de première ligne. Ce rôle exige qu’ils(elles) maîtrisent les mots qui rassurent et respectent le patient mais également les préservent et les protègent eux(elles) aussi.
Questionnaire d'accueil à l'urgence
Cette base d'information doit être associée à la connaissance du dernier décret de compétence des opticiens (encadré 1-2-1). En pratique, il est important que cette nouvelle réglementation soit connue de tous, surtout du personnel d'accueil des cabinets et services d'ophtalmologie. Ainsi, les patients ne sont pas systématiquement intégrés dans l'urgence, mais réorientés de façon appropriée. Le SNOF a diffusé à cet effet une plaquette d'information destinée à éclairer les équipes soignantes ainsi que la population générale.
Dans certains pays tels que l'Angleterre, le triage se fait en amont essentiellement par les urgentistes qui souffrent d'un défaut de connaissances de l'urgence ophtalmologique. Un programme de formation a été engagé pour les sensibiliser aux stratégies diagnostiques simples [20, 21]. Le développement de logiciels de gestion d'agenda devrait également aider à faciliter l'accès.
Encadré 1-2-1
Il concerne la prescription des verres correcteurs devenue un motif non rare de consultation aux urgences. Il peut représenter à lui seul un premier filtre à la sélection puisqu’il instaure un nouveau parcours encadré et sécurisé visant à améliorer la gestion de la prescription des équipements optiques, lunettes ou lentilles correctrices. Si la primo-prescription relève toujours de la prescription médicale (et ne peut être modifiée par l’opticien), ce sont les conditions de renouvellement qui ont été ajustées avec une durée de validité qui est variable selon l’âge.Concernant les verres correcteurs, la durée de validité de l’ordonnance est de 1 an en dessous de 16 ans et de 5 ans entre 16 et 42 ans, puis de 3 ans au-delà compte tenu d’une morbidité accrue par l’arrivée des pathologies du vieillissement oculaire qui invite à renforcer la vigilance du dépistage. Ainsi, la première prescription pour correction de la presbytie est soumise à prescription obligatoire sous-entendant à un examen clinique obligatoire. Pour les lentilles de contact, l’ordonnance est valable 1 an pour un patient de moins de 16 ans et de 3 ans pour un patient de plus de 16 ans, ceci à condition qu’il y figure toutes les caractéristiques de la lentille, sinon une nouvelle consultation sera nécessaire. Pour le renouvellement d’une ordonnance de lunettes ou de lentilles, l’opticien pourra adapter la puissance de la correction si une acuité visuelle optimale peut être obtenue. En cas de variation importante et surtout si le niveau de meilleure acuité visuelle est abaissé, le patient devra être ré-adressé à l’ophtalmologiste. Contrairement aux verres de lunettes que l’opticien peut modifier dans leur puissance et type, la lentille elle ne peut être ajustée que sur sa puissance optique. Soulignons que l’opticien se doit de conserver une copie de l’ordonnance. Par ailleurs, l’ophtalmologiste en fonction de l’état de santé du patient peut s’opposer au renouvellement de lunettes et imposer des contrôles médicaux plus fréquents.En plus des calendriers de renouvellement, le décret précise que le patient doit présenter sa prescription à l’opticien ou se rendre chez celui qui a réalisé son équipement et qui aura selon la loi gardé l’ordonnance durant sa durée de validité. La situation d’urgence peut être représentée par exemple par la perte ou le bris de lunettes loin de son domicile ; dans ce cas, des conditions de délivrance exceptionnelles sont prévues : « lorsque l’urgence est constatée et en l’absence d’une solution médicale adaptée », l’opticien peut exceptionnellement délivrer un nouvel équipement optique sans ordonnance après avoir pratiqué un examen réfractif. Il doit consigner dans un registre toutes ces délivrances exceptionnelles afin d’en assurer la traçabilité et conserver ces données pendant 3 ans.Il apparaît ainsi que le seul motif lunettes ne peut faire l’objet d’une consultation en urgence.
C'est le propre du monde occidental de donner une importance considérable à l'urgence. La responsabilité de sa prise en charge est, du reste, renforcée par les médias qui soulignent les alertes de santé publique. De fait, la société et donc le législateur tendent à définir de manière assez large un soin non programmé comme un item d'urgence. Ils y intègrent les problèmes médicaux, psychologiques ou sociaux pour lesquels les familles, l'entourage voire la police ou les professionnels de santé n'ont pas de solution [19]. Ils flèchent volontiers le parcours de ces personnes vers les services d'urgence. C'est ainsi que les services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR), tout comme les établissements hospitaliers font face à une exigence accrue et se sont inscrits dans une démarche de qualité visant à optimiser flux et prise en charge (voir chapitre 2.1 ).
De plus, dans le contexte de la crise économique mondiale, les systèmes de couverture sociale sont régulièrement revus à la baisse et recalculés au prix le plus juste. L'urgence pèse ainsi de façon non négligeable dans la balance des dépenses ; ceci d'autant que bon nombre de patients choisissent cette voie en première intention. Ces derniers y voient le moyen d'accéder aux soins à moindre coÛt ou sans avance de frais (fig. 1-2-6 ).
En France, la caisse d’assurance maladie adresse à chaque assuré le détail des dépenses liées aux soins délivrés. Dans d’autres pays tels que la Belgique, les urgences hospitalières sont entièrement remboursées et intégrées à l’aide médicale urgente.
Cette dimension socio-économique conduit chaque État et son législateur à organiser de façon spécifique ses structures d'urgence selon un réseau qui lui est propre.
De règle, dans les pays dits industrialisés, deux types de structures constantes existent : sociales – le service d’aide médicale urgent (SAMU) social en France – et pré-hospitalières, hospitalières.Notons que depuis juin 2008, le numéro unique et gratuit d’appel d’urgence pour toute l’Europe est le 112, accessible partout type de téléphone fixe ou mobile (même sans carte SIM, ni crédit) ou d’une cabine téléphonique (même sans carte).
Il faut souligner que si l'urgence ophtalmologique débute souvent par un passage aux urgences générales, où sa spécificité exige généralement un avis d'ophtalmologiste, sa fréquence contribue à un encombrement des services d'urgence. Aussi les centres hospitaliers ont-ils tendance à créer une filière spécifique en général intégrée au sein du service d'ophtalmologie de l'établissement.
Une filière spécifique intégrée au sein du service d’ophtalmologie de l’établissement permet de mieux gérer les flux et surtout d’écourter et faciliter le circuit du patient. Mais il est important de souligner la place de la gestion pré-hospitalière des urgences au niveau des cabinets d’ophtalmologie qui permet de réguler les demandes selon le degré de sévérité et idéalement de ne référer à l’hôpital que les patients exigeant des explorations ou des soins particuliers rapidement.Dans le but de favoriser ce schéma d’organisation, le législateur a prévu une loi de financement des urgences dans le cadre de la tarification à l’activité, mise en oeuvre en 2004, qui aménage des conditions particulières de valorisation (voir chapitre 3.2).
L'ophtalmologie se caractérise par une diversité et une spécificité de diagnostics (items) issus d'un faible nombre de signes d'appel (symptômes). Ceux-ci placent les professionnels de santé non-ophtalmologistes (médecin généraliste ou urgentiste, pharmacien, opticiens orthoptiste) au défi de définir quand la situation fonctionnelle est menacée. Or, ce sont souvent eux (46 % en 2015 [22] contre 90 % en 1986 [23]) qui sont consultés les premiers, en la situation actuelle de pénurie de la spécialité. C'est donc souvent à eux qu'il revient de reconnaître et définir l'urgence ophtalmologique. Certains pays se sont penchés sur cette épidémiologie des urgences et démontrent le changement dans le système des soins oculaires. En Angleterre [24, 25], le référent de l'ophtalmologiste est devenu l'opticien-optométriste pour principalement le cristallin et le glaucome, alors qu'en Nouvelle-Zélande [26], c'est encore en premier lieu le médecin de famille qui adresse le patient vers l'ophtalmologiste, mais aussi le patient lui-même qui consulte directement le spécialiste. Cette tendance est également observée en Irlande ou en Espagne [2] où l'accès direct du patient à l'ophtalmologiste est rapporté dans plus de 55 % des cas.
Une étude de la littérature, certes pauvre, sur la thématique des urgences ophtalmologiques montre que la pathologie traumatique est dominante de 12 % [16, 19] à 50‑60 % [1, 10, 27]. L’environnement du patient joue un rôle dans le pronostic fonctionnel (professions à risque, situations de travail ou de loisir, tel le bricolage,où le port de protection oculaire fait défaut) [21, 28–31].
Une des particularités de l'ophtalmologie est donc de ne présenter des signes d'appel que peu nombreux et peu spécifiques : trouble de la vision, rougeur, douleur. Cependant, les niveaux de gravité sont variables, allant jusqu'à la mise en jeu du pronostic vital dans le champ des complications vasculaires (rupture de l'artère communicante postérieure, etc.), ou encore prenant la valeur d'un accident vasculaire ou tumoral exigeant une prise en charge rapide. Il est donc important de tenter de proposer un triage des étiologies entre celles qui sont réfractives, infectieuses, vasculaires, neurologiques, inflammatoires, traumatiques, endocriniennes ou même génétiques. Dans le souci d'aider les soignants à hiérarchiser les causes et par là même la cinétique de gestion des demandes, nous proposons à cette fin en annexe 1-2-3 un organigramme fondé sur les symptômes d'alerte (voir aussi annexe 1-2-4). D'autres supports sont proposés dans le chapitre 2.5.3 .
Un des objectifs de la permanence des soins est la constitution d’une filière courte permettant de réduire la durée d’attente des patients, qui de règle est favorisée par la prise en charge directement par un senior. Elle doit tenir compte de l’afflux des patients qui se majore en période de week-end (de 38 %) et diminue durant les vacances (de 19 %), avec un pic d’arrivée vers 11 heures (7 %) dans les SU parisiennes (voir chapitre 2.5.1 et 2.5.2), ainsi qu’audelà de 23 heures à Poitiers (15 %) [9].
Triptyque d'orientation pour le patient
Vous consultez en urgence : pourquoi ?
Quel symptôme pour quelle urgence?
Urgence vraie | Urgence relative | Urgence différable |
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Un ou plusieurs de ces symptômes: | Un ou plusieurs de ces symptômes: | Selon durée de validité de l'ordonnance lunette: |
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Une formation complémentaire permet de préciser les définitions de l'urgence en ophtalmologie de manière adaptée aux différents acteurs du parcours de soins : opticiens, personnels de secrétariat ou de triage, médecins de première ligne tels les généralistes et urgentistes.
La sensibilisation de tout le personnel intervenant en amont sur le parcours visuel comme les orthoptistes, les infirmiers(ières) et secrétaires devraient assurer une meilleure orientation et gestion des patients. Enfin, une campagne d’information sur le danger de l’automédication et l’intérêt de la protection oculaire en situation à risque permettrait de renforcer la sécurité oculaire de la population générale.
Au total, mieux définir l'urgence permet l'amélioration du circuit des urgences. Pour cela, il est important de toujours mieux éduquer la population par :
Quelle affection pour quelle urgence ?
Urgence vraie | Semi-urgence | Urgence différable |
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Éliminer: | Éliminer: | Selon durée de validité de l'ordonnance: |
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une meilleure information (via les journaux et médias, les répondeurs des centres d'accueil des patients, les pharmacies, etc.) sur la prise en charge du soin oculaire;
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une éducation des patients à la notion de gravité, pour éviter l'utilisation abusive de la voie des urgences.
Urgences ophtalmologiques au CHRU de Brest
Du point de vue médical, il faut aussi saisir l'importance du tri d'accueil permettant la filiarisation avant l'intervention de l'ophtalmologiste [32].
Enfin, il appartient au législateur de définir l'urgence ophtalmologique en créant des centres spécifiques publics ou privés de soins d'urgence et de premier recours dont l'accès est facilité pour les référents médicaux et paramédicaux.
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Définir la sévérité de l’urgence
J.-L. BOURGES
« Est-ce grave docteur ? »
Comme toutes les questions qui interrogent sur le pronostic de l'affection d'urgence, cette question préoccupe évidemment immédiatement le patient et le soignant de première ligne. C'est sa réponse qui motive la célérité et la nature de la prise en charge (PEC). Le contexte, les explorations, la thérapeutique et le suivi, c'est-à-dire toutes les composantes de la PEC, sont impactés par la sévérité de l'urgence. L'intérêt de bien évaluer la sévérité d'une affection d'urgence ophtalmologique est donc essentiel.
En première ligne, quantifier la sévérité aide au triage immédiat, depuis l'accueil jusqu'à l'accès au soignant paramédical et/ou médical. À ce niveau, la quantification est souvent effectuée par un professionnel non médical ou paramédical. Par la suite, la quantification de la sévérité est souvent précisée par un médecin. Elle permet la transmission de l'état pathologique aux différents acteurs de soins et d'organiser le suivi évolutif vers les filières de soins d'aval.
De manière transversale, évaluer la sévérité de l'affection d'urgence est fondamental pour analyser sa pratique professionnelle et améliorer la qualité des soins. Il s'agit d'un indicateur de suivi essentiel, bon reflet du besoin des patients. Préciser le degré de sévérité de la manière la plus reproductible possible permet aussi d'homogénéiser les pratiques ou les protocoles de PEC. Ainsi, des consensus professionnels peuvent être généralisés et éprouvés, au bénéfice du patient. C'est aussi indispensable à toute recherche clinique et aux innovations dans le domaine des urgences.
La sévérité d'une affection ne reflète pas directement son urgence mais contribue à l'évaluer. Une affection oculaire sévère est un item d'urgence si son pronostic est instable. En règle générale, plus une affection de pronostic instable est sévère, plus elle est considérée comme urgente. La sévérité d'un item d'urgence est une notion subjective à multiples facettes [1]. Deux dimensions principales se dégagent, la dimension médicale et la dimension psychosociale (tableau 1-3-1). Les aspects de la sévérité d'une urgence ophtalmologique en dérivent.
Éléments médicaux | Éléments psychosociaux |
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D'un point de vue médical, un item ophtalmologique est en principe considéré comme sévère en fonction du délai maximal acceptable pour la prise en charge, du caractère invasif des options thérapeutiques, de l'existence d'option thérapeutique, du pronostic final fonctionnel (altération de la fonction visuelle), des douleurs ressenties, du caractère multiple ou bilatéral des lésions, de la nature monophtalme de l'œil atteint, des potentiels évolutifs locaux et généraux, de la possibilité de récurrence et du potentiel de contamination. La sévérité inclut donc la gravité. La gravité renvoie principalement au pronostic final après sa gestion (prise en charge, évolution naturelle, etc.).
D'un point de vue psychosocial, la sévérité implique les deux pronostics finaux esthétique et de confort. Une affection est d'autant plus sévère qu'elle impacte aussi la qualité de vie relative à la vision ( vision-related quality of life [VR-QoL]). Elle dépend évidemment de l'âge du patient. Elle est aussi fonction de l'incapacité socio-professionnelle induite au cours de l'affection, mais aussi du temps nécessaire pour la consolidation ou la guérison. Elle change donc selon l'environnement socio-professionnel. La perte de la vision stéréoscopique n'a pas le même impact chez un travailleur de bureau que chez un couvreur-zingueur travaillant sur les toits. La sévérité d'un item d'urgence ophtalmologique est aussi modifiée par le terrain du patient (sanitaire, social, culturel, psychologique, psychomoteur, psychiatrique). Bien souvent, le terrain détermine aussi l'accès aux soins d'urgence et d'aval, l'hygiène et l'observance, dont le défaut augmente la sévérité. Enfin, la carte sanitaire locale et, par conséquent, la disponibilité de l'offre de soins ophtalmologiques modulent la sévérité d'une affection oculaire d'urgence. Plus la prise en charge d'un item d'urgence ophtalmologique est retardée, plus sa sévérité est susceptible d'augmenter.
Définir la sévérité contribue à définir l'urgence elle-même (voir chapitre 1.2). La définition de la sévérité diffère selon qu'elle est évaluée par le patient, un professionnel de santé paramédical, médical ou institutionnel [2]. Le patient a tendance à définir la sévérité par rapport au pronostic final, au caractère plus ou moins invasif de la PEC et à son état psychologique. Le professionnel de triage évalue plutôt la sévérité selon l'urgence de la PEC, la nature de la PEC, le caractère curable de l'affection, les conditions générales du patient (pathologies connexes, âge, etc.) et les moyens disponibles. Le professionnel institutionnel, lui, évalue la sévérité d'une urgence ophtalmologique préférentiellement selon l'ordre de présentation dans l'institution, l'impact collectif de l'affection (accès au soin, contagiosité, moyens requis pour la PEC, balance budgétaire), et l'implication médico-judiciaire (contraintes réglementaires de PEC, contentieux). Bien évidemment, certains aspects de sévérité pour une affection d'urgence ophtalmologique focalisent plusieurs acteurs (fig. 1-3-1). Enfin, chaque aspect de la sévérité n'est probablement pas pondéré de manière identique. Sa pondération varie selon la prospective de l'évaluateur.
Elle peut se faire par : autoévaluation ; évaluation non médicale ; évaluation paramédicale ou évaluation médicale, spécialisée ou non.
L'autoévaluation est par essence subjective. Elle s'apprécie à l'anamnèse. Sa quantification utilise des échelles analogiques « hétéro-administrées », c'est-à-dire que le patient quantifie la sévérité de son affection en fonction de directives précises. Par exemple, il peut lui être précisé qu'il faut évaluer seulement la sévérité de l'affection motivant l'avis d'urgence, et non les affections connexes ou chroniques. Il doit pouvoir se figurer l'échelle. Il faut donc lui procurer des exemples de scores extrêmes qu'il comprend, pour qu'il détermine le score qui le concerne. Dans une étude aux urgences de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) [2], les patients ont quantifié eux-mêmes la sévérité de l'affection qui motivait leur passage. Ils évaluaient la sévérité selon une échelle analogique à six grades. La correspondance des grades était illustrée. Le grade 0 de sévérité répondait au sentiment « pas grave – veut être rassuré », le grade 1 à celui de « peu sévère, non inquiet », les grades 2, 3, 4 et 5 correspondaient respectivement à « modérément sévère, non inquiet », « assez sévère, inquiet », « très sévère, inquiet » ou « sévérité maximale, croit la vision perdue ». L'évaluation a porté sur 2 971 passages aux urgences. Huit pour cent des patients étaient incapables d'évaluer la sévérité de leur urgence ophtalmologique. Plus de la moitié (52 %) n'étaient pas inquiets (fig. 1-3-2). Parmi les autres, 17 patients (1 %) déclaraient penser leur vision perdue en raison de l'urgence oculaire actuelle.
Échelle de sévérité subjective : 0 = pas grave – veut être « rassuré » ; 1 = peu sévère, non inquiet ; 2 = modérément sévère, non inquiet ; 3 = assez sévère, inquiet ; 4 = très sévère, inquiet, 5 = sévérité maximale, croit sa vision perdue.
D'autres méthodes de quantification de la sévérité par le patient se conçoivent. Par exemple, l'impact d'une affection d'urgence sur la VR-QoL est une dimension importante de la sévérité pour une affection oculaire urgente. Les questionnaires de VR-QoL permettent de quantifier précisément ce paramètre, qui ne reflète néanmoins pas tous les aspects de la sévérité. Ils sont difficiles à utiliser dans le cadre d'un soin non programmé.
L'évaluation non médicale de la sévérité est probablement l'évaluation plus répandue en première ligne. Elle sert principalement au triage des patients. Il s'agit par exemple pour une secrétaire d'orienter le correspondant téléphonique vers un entretien médical immédiat ou vers un rendez-vous plus ou moins rapide. La quantification de la sévérité se restreint alors à une qualification robuste de type : très sévère qui conduit à l'orientation vers une PEC immédiate, sévère ou douteuse qui oriente vers un entretien médical immédiat, par opposition à une sévérité moins élevée, pour laquelle l'entretien médical immédiat n'est pas indispensable. Il n'existe cependant aucune règle consensuelle en la matière. Il existe divers protocoles et algorithmes d'interrogatoire tentant de qualifier ainsi la sévérité d'une affection oculaire urgente (voir chapitres 1.2 et 2.5.3 ).
L'évaluation paramédicale permet de quantifier plusieurs aspects de la sévérité. L'évaluation de la sévérité est habituellement incrémentielle. En urgence générale, l 'emergency severity index (ESI) est un algorithme parmi les plus utilisés pour cette évaluation [3]. Il en existe d'autres [4, 5]. Ils sont peu adaptés aux spécificités ophtalmologiques. Le triage est, là encore, le but immédiat. En ophtalmologie, les outils de quantification de la sévérité se fondent le plus souvent sur l'anamnèse. Ils ne prennent pas en compte les données médicales d'examen ophtalmologique. Ils attribuent des scores à des symptômes et des notions identifiées comme aggravant la sévérité. Par exemple, un score initial est attribué à l'inflammation, à la douleur et à l'évolution de la vision. Il est pondéré par le caractère bilatéral, la monocularité, le délai d'installation des symptômes et d'autres critères disponibles à l'anamnèse, tels que l'âge. Le résultat oriente vers une modalité spécifique de prise en charge. Le système de score Rome Eye Scoring System for Urgency and Emergency (RESCUE) a été conçu pour l'ophtalmologie d'urgence. Il traduit en trois codes couleurs la symptomatologie oculaire des patients [6]. Dans sa conception, la symptomatologie oculaire était considérée comme sévère si, in fine, elle conduisait à une hospitalisation. L'hospitalisation est un critère qui surpondère certaines composantes de la sévérité, comme la nécessité d'un suivi rapproché, le potentiel évolutif ou la mise en œuvre de traitements spécifiques. Elle n'est cependant pas le reflet exact d'une sévérité ultime. Une affection peut être authentiquement sévère et ne pas forcément nécessiter une hospitalisation. L'outil RESCUE offre une sensibilité de 90 %, une spécificité de 97 %, des valeurs prédictives positives et négatives respectivement de 94 et 95 %. Les auteurs insistent aussi sur la difficulté de définir la sévérité d'une urgence ophtalmologique [7]. L'outil de triage développé par l'équipe de Lausanne en collaboration avec celle de l'Hôtel-Dieu de Paris permet aussi d'attribuer des scores de sévérité en pondérant des éléments ciblés d'anamnèse, sans présumer de la prise en charge future (voir chapitre 2.5.3 ).
La quantification de la sévérité est au mieux définie après examen médical. Évidemment, cette quantification est disponible en aval du triage initial, déjà établi. Les quantifications non médicales ou paramédicales sont cruciales dans le délai et le mode de la PEC. La quantification médicale, elle, conditionne le soin proprement dit. Elle permet de préciser la suite de la PEC de l'urgence médicale et d'organiser l'orientation d'aval. Elle est principalement dépendante du médecin, de son jugement individuel. Cette évaluation est habituellement qualitative, non quantitative. Afin de quantifier et de standardiser l'évaluation médicale de la sévérité, nous avons élaboré un score de sévérité, le BAsic SEverity Score for Common OculaR Emergencies (BaSe SCOrE) [8]. Il est fondé sur une approche consensuelle internationale d'experts. La sévérité a été quantifiée sur un score de 0 à 6, en demandant aux experts d'envisager tous ses aspects. Quatre-vingt-six diagnostics d'urgence d'ophtalmologie ont été sélectionnés afin d'être évalués et de quantifier consensuellement leur sévérité. Ce score a vocation à s'intégrer dans la PEC des patients. Il permet en outre de comparer les scores de sévérité pour des affections de nature différente, quand aucun expert ne pourrait le faire seul. Par exemple, la sévérité d'une conjonctivite isolée non infectieuse est quantifiée par le panel d'experts à 1, comme une kératite ponctuée superficielle (KPS) isolée. Une diplopie aiguë sans signe neurologique autre est pondérée d'un score de 3, identique à celui d'un trou maculaire (fig. 1-3-3).
Les quartiles représentent les groupes d'écarts par rapport au score médian. Ils informent sur l'étalement des avis d'expert. BO : bulbe oculaire ; CAFA : crise aiguë de fermeture de l'angle ; CE : corps étranger ; CEIO : corps étranger intraoculaire ; DR : décollement de rétine ; Lasik : laser in situ keratomileusis ; NO : nerf optique ; PIO : pression intraoculaire ; SA : segment antérieur ; SP : segment postérieur.
De manière logique, l'évaluation de la sévérité est différente selon qu'elle est émise par le patient ou par l'ophtalmologiste. Dans l'étude conduite aux urgences ophtalmologiques de l'AP-HP [2], la sévérité était scorée seulement une fois sur cinq de manière identique entre le médecin et le patient. La différence d'évaluation est en revanche surprenante. Le score de gravité était différent de plus de 2 points, sous-évalué par le patient par rapport à l'ophtalmologiste une fois sur dix, alors qu'il était surévalué dans 1 cas sur 54 seulement. Les patients avaient donc une tendance marquée à sous-évaluer la sévérité de leur affection oculaire. Cette étude rapportait aussi que 1 patient sur 350 ne pouvait pas évaluer la sévérité de son affection, alors même qu'elle était médicalement considérée comme de gravité maximale. Enfin, 1 patient sur 12 n'était pas capable d'évaluer la sévérité de l'affection oculaire qui motivait son passage aux urgences.
En conclusion, la sévérité d'une urgence d'ophtalmologie présente de multiples facettes. Sa définition et sa pondération varient selon la nature de l'intervenant et l'usage que l'on veut en faire. Il existe aujourd'hui des algorithmes et des scores de sévérité spécifiques à l'ophtalmologie, car les scores d'urgence générale sont mal adaptés. Ils permettent de standardiser les procédures de soin et d'évaluer les pratiques pour les améliorer. Définir et quantifier la sévérité d'une urgence oculaire fait appel à l'indispensable expertise des patients et des intervenants de santé, que rien ne remplace.
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Les délais de prise en charge des urgences ophtalmologiques
F. BEHAR-COHEN
Le mot « urgence » vient du latin urgeo signifiant pressant, au sens d'exercer une pression physique sur quelque chose ou sur quelqu'un et, par extension, de pousser quelqu'un à faire quelque chose. Définir un délai revient à déterminer d'une part ce qui justifie que le personnel soignant ou médical s'empresse d'agir et d'intervenir, d'autre part dans quels délais il doit agir. En d'autres termes, nous discuterons dans ce chapitre des justifications d'intervention et des délais objectivement acceptables pour agir. Il existe parfois des délais évoqués par la littérature scientifique, mais ce n'est malheureusement pas le cas pour la plupart des items d'urgence ophtalmologique. Nous distinguerons deux types de délais : le délai de prise en charge initiale, c'est-à-dire celui des premiers soins ou du transfert vers un service compétent, et le délai d'aval immédiat pour l'intervention chirurgical par exemple, le cas échéant (fig. 1-4-1).
APC : acte de petite chirurgie ; ATM : acte technique médical ; PCA-IVT : ponction de chambre antérieure-injection intravitréenne ; VAT : vaccination antitétanique ; VL : voies lacrymales.
L'appréciation de l'urgence diffère selon le point de vue (voir chapitre 1.2). Du point de vue du patient, son cas est toujours le plus urgent et nécessite la prise en charge la plus rapide. Du point de vue du personnel soignant ou administratif, il peut être urgent de prendre en charge un patient dont l'âge est incompatible avec l'attente ou dont le comportement compromet le fonctionnement du service (patient agité, sous l'influence de drogues, en crise d'une pathologie psychiatrique, agressif et menaçant pour lui ou pour les autres). Pour le médecin, deux types d'urgence impliquant l'œil et la vision sont à considérer : l'urgence vitale et l'urgence ophtalmologique.
L'urgence vitale est une situation clinique qui menace la vie du patient à court terme. Le délai d'action en cas de menace pour la vie du patient doit être inférieur à une minute, donc immédiat (triage CIMU 1 [classification infirmière des malades aux urgences 1], triage PEC 1 [prise en charge 1] ; voir chapitre 2.5.3 ).
Nous considérerons ici les urgences vitales neurologiques et vasculaires au sens large, dont le symptôme d'appel est ophtalmologique (voir chapitres 4.2.2 , 5.2.4 , paragraphe « Occlusions vasculaires », et 5.3 ). Pour l'ophtalmologiste, l'urgence consiste à faire le diagnostic sans délai et à trouver le confrère qui assurera la prise en charge de son patient. Il est donc essentiel que des circuits de prise en charge d'urgences neurologiques et vasculaires soient mis en place par anticipation dans les services d'urgences ophtalmologiques, en lien avec des services de proximité, que les moyens de transfert soient disponibles et que les personnels soient informés. La mortalité est d'autant plus élevée que le diagnostic et le traitement des urgences neuro-ophtalmologiques et vasculaires ont retardés [1]. Mais les urgences vitales peuvent aussi se présenter dans les cabinets des praticiens en ville ou dans les consultations programmées. La dissection carotidienne, par exemple, se manifeste par un syndrome de Claude Bernard-Horner douloureux dans 28 à 41 % des cas, mais des diplopies ou des parésies transitoires des nerfs oculomoteurs sont des signes fréquents [2] qui peuvent motiver une consultation programmée. Une méningo-encéphalite peut se manifester par une oscillopsie, objectivée par un flutter ou un opsoclonus-myoclonus. Les occlusions de l'artère centrale ou de branche artérielle doivent être considérées comme des urgences vitales puisqu'une étude récente montre que, dans 20 % des cas présentant des signes visuels isolés, un accident vasculaire cérébral est détecté par l'imagerie cérébrale [3]. La maladie de Horton, quant à elle, peut non seulement menacer le pronostic visuel, mais aussi le pronostic vital. Son diagnostic et l'instauration de la corticothérapie relèvent donc de l'urgence vitale [4, 5].
La pré-éclampsie peut se manifester initialement par des troubles visuels [6]. Elle représente une urgence vitale pour la mère et pour l'enfant qu'elle porte et nécessite un transfert urgent vers les services compétents. L'hypertension artérielle maligne peut aussi être classée dans cette catégorie [7] de même que le syndrome catastrophique des antiphospholipides du post-partum.
Les infections péri-oculaires et orbitaires peuvent menacer rapidement la vie de l'individu s'il y a retard à l'instauration d'un traitement anti-infectieux efficace. La mortalité dans les cellulites orbitaires est estimée à 5 %, justifiant qu'aucun délai d'intervention ne soit toléré [8]. Les protocoles de soins doivent être accessibles aux urgences, les circuits d'hospitalisation bien établis et le personnel doit être régulièrement formé et informé. Aux États-Unis, une étude récente a rapporté que, parmi toutes les causes d'hospitalisation, la cellulite orbitaire est la plus fréquente (14,5 %), suivie des fractures du plancher de l'orbite (9,6 %) et des abcès des paupières (6 %). Le taux de mortalité de toutes les hospitalisations était de 0,2 %, rappelant que les pathologies ophtalmologiques peuvent compromettre le pronostic vital [9].
Les traumatismes oculaires complexes qui associent des lésions rétroseptales comportent également un risque vital, justifiant une exploration minutieuse, une prévention anti-infectieuse immédiate et un plan thérapeutique adapté.
Les urgences vitales pédiatriques à point d'appel oculaire ou visuel sont d'autant plus délicates à déceler que l'enfant est parfois difficile à examiner. On citera par exemple les tumeurs à progression rapide comme le rétinoblastome, suspecté sur une leucocorie ou un strabisme précoce (voir chapitre 5.5.4 ). Le pronostic vital d'un enfant peut être engagé à court terme dans le cadre d'un traumatisme crânien sévère ou si son examen fait évoquer une maltraitance et qu'il n'est pas soustrait à un suraccident imminent (voir chapitre 5.5.13 ).
L'urgence ophtalmologique est une situation clinique qui menace l'intégrité fonctionnelle et/ou anatomique de l'œil mais ne met pas en jeu le pronostic vital. Le délai de prise en charge dépend du risque d'aggravation à très court terme. Quand ce risque existe, la prise en charge doit être immédiate. Quand les premiers soins ont été prodigués, le délai d'intervention chirurgical ou d'instauration d'un soin spécifique doit encore être mesuré en fonction des risques d'aggravation.
Il s'agit d'atteintes limitées à l'œil, dont l'évolution sans traitement à court terme menace l'intégrité fonctionnelle et/ou anatomique de l'organe. Le délai de prise en charge est dans ce cas un facteur pronostique. On peut en citer quelques exemples typiques.
En cas de projection d'une substance ou d'un gaz toxique dans l'œil, les premières mesures visant à réduire la surface de contact en lavant l'œil doivent être prises immédiatement, avant même le transfert dans un service d'urgence. Dans ces situations, chaque minute compte. À l'arrivée aux urgences, les premiers soins sont prodigués immédiatement par les équipes de soins et l'antibiothérapie préventive est débutée. En fonction de la nature des agents toxiques (base en particulier) et des lésions, un lavage intra-oculaire peut être indiqué sans délai.
L'hypertonie souvent majeure induite par la fermeture de l'angle menace la viabilité des cellules ganglionnaires et expose à une ischémie rétinienne à très court terme. Dans la population chinoise, le taux de cécité chez les patient sujets à une crise aiguë de fermeture de l'angle (CAFA) est de 38 %% [10], et le risque de développer un glaucome évolutif par fermeture de l'angle est significativement corrélé à la durée entre le début des symptômes et la prise en charge [11]. Il est donc urgent d'intervenir pour préserver l'intégrité des cellules visuelles, mais aussi pour préserver l'intégrité des structures du segment antérieur, garante d'une restauration du fonctionnement de l'angle. Le traitement médical doit être instauré sans aucun délai après vérification des contre-indications. Dans un second temps, le traitement chirurgical sera réalisé.
Un traitement médical immédiat hypotonisant et une décompression chirurgicale associée ou non à l'exérèse du cristallin doivent être entrepris sans aucun délai [12].
Les agents infectieux bactériens, viraux et parasitaires menacent l'intégrité fonctionnelle et anatomique des structures oculaires par la destruction directe des cellules hôtes, par la réaction inflammatoire [13, 14] et du fait des toxines libérées [15, 16]. En fonction de l'agent infectieux et du terrain, l'un des mécanismes peut prédominer mais, dans tous les cas, des dégâts irréversibles peuvent survenir en quelques heures. Qu'il s'agisse de kératites, d'endophtalmies ou de rétinites infectieuses, la prise en charge et l'instauration d'un traitement anti-infectieux de première intention devraient être inférieures à 120 minutes, après réalisation des prélèvements à visée bactériologique. L'hémoculture, facilement réalisable, pourrait avoir une valeur bactériologique ajoutée en cas d'endophtalmie aiguë [17], ce qui devra être validé sur des grandes séries.
Le délai et la pertinence d'une corticothérapie visant à maintenir l'intégrité et la transparence des tissus restent un sujet débattu. Une extinction de l'ERG est observée dans les 12 heures qui suivent l'inoculation expérimentale de germes à Gram positif chez le lapin, essentiellement due à la réaction inflammatoire [14], justifiant pour certains auteurs un co-traitement d'emblée anti-infectieux et par glucocorticoïdes [18]. Dans les endophtalmies bactériennes postopératoires, l'injection intra-oculaire de dexaméthasone immédiate, associée à l'antibiothérapie efficace, ne comporte pas de risques et semblerait être bénéfique sur la sévérité de l'infection [19]. Seules des études prospectives randomisées permettront d'établir des protocoles thérapeutiques fondés sur des preuves.
Le troisième délai à discuter est celui d'une intervention chirurgicale adjuvante au traitement anti-infectieux et anti-inflammatoire. L'urgence chirurgicale doit être discutée avec les spécialistes en fonction du site de l'infection. Elle se justifie pour éviter une perforation de la cornée, dans certaines endophtalmies associées à des athalamies et hypertonies, quand l'infection est associée à des corps étrangers ou des reliquats de débris chirurgicaux (rupture capsulaire compliquée d'endophtalmies, etc.) et quand un décollement de rétine est associé. L'intérêt de la vitrectomie immédiate dans les endophtalmies bactériennes présumées, sévères, devrait être évalué avec les nouvelles techniques de vitrectomies micro-invasives [12]. En cas de rétinite aiguë nécrosante, aucune étude ne permet d'indiquer une vitrectomie en urgence [20].
La couverture antitétanique et l'antibiothérapie préventive sont immédiates. La fermeture des plaies oculaires doit être réalisée dans les 24 heures pour éviter des adhérences et fibroses irréversibles, en particulier quand des structures internes, notamment l'uvée, sont exposées. L'intervention dans les 24 heures réduit également les risques d'endophthamie et d'ophtalmie sympathique. L'hyphéma associé à une hypertonie justifie une intervention aussi rapidement que possible pour éviter la formation d'une hématocornée irréversible. Rares sont les études qui ont analysé si, avant 24 heures, le délai de fermeture chirurgical influe sur le pronostic final des traumatismes perforants du globe. Une étude américaine récente montre que, sur une série de 103 yeux opérés de traumatismes perforants du globe oculaire, dont 88 % ont été opérés dans les 24 premières heures, et avec un délai moyen d'intervention de 8,9 heures (2,7-11,4 heures), le résultat fonctionnel final n'était pas corrélé au temps entre le traumatisme et la première chirurgie [21]. À la lumière des connaissances actuelles, nous pouvons conclure qu'une intervention chirurgicale devrait être réalisée dans un délai de 24 heures par des chirurgiens formés à ce type d'intervention.
Doivent également être suturées aussi rapidement que possible les incisions chirurgicales non étanches associées à des hypotonies.
L'endothélium cornéen étant un tissu post-mitotique, tout retard de traitement d'un rejet de greffe endothélial expose à une perte définitive de l'endothélium et donc à la perte de la transparence du greffon. Contrairement aux lésions rétiniennes irréversibles et au-delà de toute ressource thérapeutique, la cornée peut subir plusieurs greffes, ce qui relativise la menace fonctionnelle. Toutefois, la rapidité de mise en place d'un traitement corticoïde efficace est un facteur pronostique dans le rejet de greffe, justifiant un délai minimal entre le diagnostic et le début du traitement [22].
L'innervation cornéenne est environ 30 fois plus dense que celle d'une pulpe dentaire. La douleur cornéenne est insupportable et invalidante. La présence d'un corps étranger superficiel cornéen, d'un ulcère épithélial ou d'une kératite, par exemple, doit être prise en charge immédiatement afin de soulager la douleur (anesthésie locale, ablation d'un corps étranger). Le reste de la prise en charge dépend ensuite de l'item d'urgence considéré.
La rubéose de l'iris témoigne soit d'une pathologie vasculaire occlusive extra-oculaire qu'il est urgent de diagnostiquer et peut-être urgent de traiter (occlusion carotidienne par exemple) [23, 24], soit d'une ischémie rétinienne étendue [25]. En fonction de la cause de la rubéose, et si elle résulte d'une ischémie rétinienne étendue, un traitement par injection intra-oculaire d'anti-VEGF et/ou une panphotocoagulation doivent être débutés au mieux immédiatement et sinon dans les 24 heures.
Il s'agit de situations cliniques pour lesquelles la prise en charge immédiate n'est pas requise, mais qui nécessitent une intervention ou un traitement dans un délai aussi rapide que possible. Le patient ne reçoit aucun soin immédiat mais une intervention ou un traitement sont programmés s'ils ne peuvent pas être immédiats, sans influer sur le pronostic.
Quand la macula n'est pas décollée, le patient doit être positionné et opéré aussi rapidement que possible, d'autant que le décollement de rétine est situé en temporal supérieur, bulleux et dépasse l'arcade vasculaire. Cependant, la chirurgie peut être différée. En effet, sur 930 patients présentant des décollements de rétine avec macula à plat, seuls 10 en 14 ans (1,1 %) ont présenté un décollement maculaire avant la chirurgie. Dans 6 cas sur 10, l'extension du décollement est survenue en quelques heures et dans les quatre autres cas, dans les 24 heures. Dans tous les cas, la récupération fonctionnelle a été bonne. Elle était maximale dans 8 cas sur 10. Les auteurs concluent qu'il n'y a pas de justifications à proposer une intervention dans un délai inférieur à 24 heures en cas de décollement avec macula à plat [26].
Quand la macula est décollée au moment du diagnostic d'un décollement chez le pseudophaque, le risque de récidive augmente avec la durée des symptômes avant la chirurgie, justifiant une intervention dans un délai de 1 à 3 jours [27]. Une étude récente rapporte également que la durée du décollement est l'un des facteurs influençant défavorablement la récupération fonctionnelle à un an des décollements de rétine macula off [28]. La chirurgie des décollements de rétine, quel que soit le statut de la macula, devrait donc être réalisée optimalement dans un délai de 1 à 3 jours, afin de favoriser la récupération fonctionnelle [29–32]. Quand le décollement est très ancien et compliqué de prolifération vitréorétinienne, le pronostic fonctionnel n'est plus directement dépendant du délai d'intervention.
Pour les patients atteints de DMLA néovasculaire, la récupération fonctionnelle après traitement par injection intra-oculaire d'anti-VEGF est meilleure si le traitement est réalisé précocement après le début des symptômes. Selon les études, ce délai doit être inférieur à 7 [33] ou 3 semaines [34]. À long terme, l'acuité visuelle serait supérieure quand le traitement anti-VEGF est réalisé de façon proactive sans tolérer de rebond des signes d'activité des néovaisseaux [35–38]. Quand les néovaisseaux se compliquent d'hématome sous-rétinien, le déplacement pneumatique ou le drainage ab interno ne se justifient que s'ils peuvent être réalisés dans les deux premières semaines, mais préférentiellement dans les huit premiers jours [39]. Quand la néovascularisation choroïdienne complique une myopie, un traitement anti-VEGF doit être réalisé dans les 15jours afin de préserver le pronostic visuel de ces sujets habituellement plus jeunes [40].
Définir des délais optimaux de prise en charge médicale et chirurgicale contribue à prévenir les risques d'aggravation d'un item d'urgence et ses conséquences délétères pour la vie ou la fonction visuelle des patients. Cela guide l'organisation des soins. Peu d'études ont analysé l'impact pronostique du délai de prise en charge initiale ou d'intervention chirurgicale pour les items d'urgence ophtalmologique. Les quelques données disponibles dans la littérature et l'histoire naturelle des pathologies d'urgence – si elle est connue – permettent de proposer quelques délais de prise en charge souhaitables. Il n'est pas encore possible d'évaluer des délais de prise en charge requis pour tous les items d'urgence. La liste n'est donc pas exhaustive. L'évolution des connaissances est susceptible de modifier ces données qui doivent être considérées comme indicatives.
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